Marc PEREZ
MARC PEREZ est né en 1955 à Tunis.
Visite virtuelle 3D de l’exposition de Marc Perez qui a eu lieu en Octobre 2019 (You can see the last exhibition in 3D by clicking).
MARC PEREZ est né en 1955 à Tunis.
Visite virtuelle 3D de l’exposition de Marc Perez qui a eu lieu en Octobre 2019 (You can see the last exhibition in 3D by clicking).
Marc Perez, décembre 2012
On me demande parfois “quelques mots” sur mon travail. De bonne grâce je m’y essaye, à chaque fois, me doutant bien pourtant que l’on ne peut écrire ou parler qu’uniquement et seulement à côté de son travail. Parvenir à dire précisément ce que l’on fait, reviendrait, dans le fond, à avouer que les mots peuvent suffire. Lorsqu’on essaye de peindre, lorsque l’on décide de se lancer vers cette aventure de la peinture, c’est aussi pour aller là où les mots ne vont plus… Je suis souvent surpris de constater que les mots vous rattrapent. Peut être ont-t-ils quelques choses de plus rassurants que les formes ?…Je ne sais pas.
Malgré cette difficulté de parler de ce que je fais, je me réjouis lorsque d’autres décident de prendre mon travail comme sujet de leur texte. J’accepte cela comme une forme d’éclairage, et plus que ça encore, sur ce que je fais…
Je peux, bien sûr, parler des quelques idées qui construisent mon travail. Sans me tromper je peux dire qu’il essaye à travers mes personnages de mettre en forme, en lumière, ce qu’il y a de terrible dans cette aventure humaine que l’on traverse tous partagés entre le désespoir et la foi en en « dieu sait quoi »…
Je peux dire que j’ai décidé, à moins que ce soit ma peinture qui l’ait décidé à ma place, de figurer l’humain comme pour aller plus directement au cœur de mes questions. Mais disant cela j’ai le sentiment de ne rien dire ou si peu…
C’est à travers la forme que les choses se jouent, que tout ce joue… et comment parler du langage de la forme par le langage des mots. Toutes les traductions se trompent…
Je passe des heures, des journées, à chercher la juste matière, le juste rythme, la bonne couleur, le bon geste, cela me semble si difficile, que j’en arrive à trouver cela absurde.
Dans ces moments Je comprends ceux qui ont décidé de jouer seulement avec les concepts et les idées évitant de se torturer avec la forme. Certes là se trouve aussi le plaisir, plaisir que seul les mains sales vous donnent lorsqu’elles modèlent, sculptent, caressent ou griffent la matière. Plaisir aussi d’être surpris par ce que les mains vous révèlent.
«Lorsque la forme faiblit c’est qu’il y a insuffisance de contenu » Cette phrase simple d’Aragon m’a souvent aidé à tenir le cap, je l’ai inscrite sur le mur de l’atelier comme un soutien de chaque moment.
Ainsi c’est la manière de dire les choses qui finit par amener du sens, certains parlent de style. Tout se déroule comme s’il était vain de chercher à mettre à tout prix du sens dans ce que l’on fait, puisque qu’il finit par surgir seul, mystérieusement parfois, lorsque la forme est juste… »
En réalité, tout cela est bien sûr mêlé intimement, d’une manière compliquée, mais pour atteindre cette simplicité, cette évidence, qu’offre toute œuvre réussie que l’on rêve de faire, désespérément.…
Des Rives – Texte de Pierre-Jérôme Stirn
Des Rives
Un imperceptible courant transmet un souffle en longues ondes, depuis d’insondables bas-fonds. Un élan pousse peut-être, qui sait, malgré la panne apparente, les nautoniers inertes de Perez. Sans aucun doute, ils viennent de quelque part, ils vont quelque part, ces marins coiffés de livres et d’anneaux ! Fouillis d’étoiles et de coquilles ! Pour leur aller simple, ces pérégrins en rupture ont arrimé leur bric-à-brac dans leur véhicule de fortune ! Bandelettes, branches, fils, cendres, rouilles, glus ! On discerne cependant une certaine harmonie des lignes de fuite! Assurément, voilà des bagages faits à la hâte ! Bibelots d’épaves tout à fait de guingois, poissons étiques, boucles dépareillées, plumes, fossiles, ferrailles, vestiges, feuilles …
Les faux-fuyants de Perez, avec leurs jambes en fil de fer, restent proches et lointains, avec leurs ficelles faméliques, leurs billes, leurs brindilles … Plumes, tiges, boules, disques … Ils tiennent tant à ces trésors dérisoires, ces promeneurs solitaires, qu’ils les ont arrimés quelquefois sur eux ! Ces passagers éperdus sont partis sans laisser d’adresse ! Tantôt, ils tendent à l’effacement, s’estompent, tantôt, ils s’annoncent, entre le jour et la nuit, entre deux eaux, entre deux mondes … Points de suspension ! Ces navigateurs désorientés posent, hors champ ! D’ailleurs, où comptent-t-ils se rendre, ainsi hors délais ? Quelles frontières cherchent-t-ils à gagner ? À quels douaniers vont-t-ils déclarer ces bijoux d’un sou ? Ne me dites pas qu’ils se rendent aux Enfers, les faux-fuyants de Perez !
Déréliction des passages … Dans un décor raréfié, tamisé, tapissé d’ocre, tout prend la forme du silence. Il y la poussière, il y a la brume ! Tout se ramène à cette terre de Sienne ! Perception alentie, peut-être ? Quel est le devenir de ce temps suspendu ? Parmi les ombres portées de ces objets plus coagulés qu’entassés, on distingue la forme inédite des livres ! On doute cependant s’ils seront propices à la moindre lecture cursive. Parodies perdues ! Un décodage minutieux va s’imposer ! Livres d’or, livres d’art, livres d’heures … Certains ont dû servir à caler des armoires. D’autres, lus et relus, parcourus comme des sentiers, sont certainement des inédits, des éditions originales … Sources et ressources ! In folio ou sagesse ? Des romans superposés servent de siège à un passager dans la nacelle de son ballon captif.
C’est qu’ils parcourent le monde, les quidams de Perez, avec un anneau de Saturne en sautoir. Sont-ils lecteurs ou écrivains ? Les signes se croisent, chemins de traverse, rayons, correspondances. Le temps, pour l’espace, de se déployer. Perez sculpteur prend ses livres au pied de la lettre. Les livres sont des volumes. Les livres participent, à la mesure de leurs évocations singulières, à l’embarquement …
Bienvenue à bord, livres de papier, essais, recueils, précis, livres de chevet, entre la lettre et l’esprit, parmi les rebuts, les épingles, les ficelles, les rendez-vous manqués ! Perez les entasse, les isole, il s’en empare en tant qu’objets dans sa table de matières. Ils se lisent comme se dessinent des barques, selon des médianes où la géographie des lignes passe avant l’histoire : « Arriver à cette sobriété, cette simplicité qui n’est ni la fin ni le début de quelque chose. Involuer, c’est être « entre », au milieu, adjacent. Les personnages de Beckett sont en perpétuelle involution, toujours au milieu d’un chemin, déjà en route. » (Gilles Deleuze, Claire Parnet, Dialogues). « Entre », voilà la position sans paysages des tableaux de Perez.
Alors, il y a la joie de la forme! Détour par l’atelier ! Tentation du vide, gravité, absence ! Couleurs dirimantes, allusions aux remous vénéneux, aux fleuves tristes, aux zigzags ! Et tentations parallèles de la rime, préparation simultanée des couleurs et des formes. Chemin et méthode, voie active. La sculpture permet de rendre l’incertitude objective. « On est moins seul face à une sculpture, dit Perez, il y a les matériaux, les idées un peu plus présentes, la lumière qui se pose seule, les lois physiques qui font que « ça tient » … Pour une peinture, on ne sait jamais si ça tient vraiment … » (Entretien avec Charlotte Waligora)
Effet de la matière en action ! Le fabricateur reprend la main et se repère ! La sculpture est une peinture qui « tient » ! Entre deux eaux, entre deux airs, entre deux rives … Les livres enveloppent, avec la singularité de leurs évocations, les passagers en rupture qui gardent autour d’eux les épingles, les rondelles, les rebuts insignifiants, les bobines, les bois flottés et les fragments de sable. L’objet, le sujet se répondent ! Comme les figures les objets perdus trouvent des équilibres et les diffusent au passage.
Marc Perez : « J’ai voyagé entre les murs de mon atelier… Après tout peindre, c’est aussi cela ; oser se perdre, naviguer sans repère, et parfois se retrouver … »
Translation/ Des Rives – Texte de Pierre-Jérôme Stirn
Des Rives
An imperceptible current conveys a breeze in long waves from unfathomable depths. Who knows, perhaps a momentum propels Perez’s inert mariners, despite their apparent stasis. These sailors adorned with books and rings doubtless come from somewhere and are heading somewhere! A jumble of stars and shells! For their one-way journey, these wanderers, cut adrift, have stowed their bric-a-brac in their makeshift craft – bandages, branches, threads, ashes, rust and glues! However, there is a certain harmony in the vanishing lines. Their luggage was certainly packed in haste! Skew-whiff baubles from wrecks – emaciated fish, mismatched buckles, feathers, fossils, scrap metal, remains, leaves.
Perez’s fleeting figures on wire legs remain at once near and far, with their fragile strings, marbles, and twigs. Feathers, stalks, balls, discs – these solitary walkers are so attached to their trivial treasures that they have sometimes bedecked themselves with them. These desperate travellers have set off without leaving a forwarding address. Sometimes they seem to fade away and blur, and at other times they make their presence felt, between day and night, between two bodies of water, between two worlds – a set of ellipses. These disoriented navigators pose outside the frame. Besides, where do they think they are going like this, with no fixed time of arrival or departure? Which border are they trying to reach? To which customs officers will they declare their cheap baubles? Surely Perez’s fleeting figures are not bound for Hell!
Abandoned passages. Against a backdrop that is rarefied, subdued, and thick with ochre, everything adopts the shape of silence, enveloped in dust, haze, and ever-present Sienna hues. Does this perhaps slow down perception? What is the future of this suspended time? Amid the shadows of these objects, coagulated rather than accumulated, the novel forms of books can be distinguished. However, it is unlikely that these would lend themselves to skimming. Forgotten parodies! These books must be meticulously deciphered. Visitors’ books, art books, books of hours. Some have been used to prop up wardrobes. Some, read and re-read, are as familiar as a well-worn path, while others are first editions, yet to be opened. They are a source and a resource, but do they offer a folio or wisdom? A passenger in the basket of his tethered balloon perches on a stack of novels.
Perez’s anonymous figures crisscross the world, bearing around their necks a ring of Saturn. Are they readers or writers? Signs coincide – shortcuts, rays, and echoes meet and cross for as long as it takes for space to unfurl. As a sculptor, Perez takes his books at face value. Books are volumes – with their unique resonances, books too come on board.
Welcome aboard, you books of paper, essays, anthologies, handbooks, bedside reading, floating between letter and spirit amid the flotsam and jetsam, pins, strings, and missed appointments. Perez piles them up or sets them apart, handling them as objects in his table of contents. Books are read in the same way that plans for boats are sketched out, according to formulae in which the geography of lines takes priority over the story: “To achieve this kind of restraint, this simplicity which is neither the end nor the beginning of something. To fail to develop is to remain ‘in between’, in the middle of, adjacent. Beckett’s characters are in perpetual involution, always in the middle of a path, already on their way.” (Gilles Deleuze, Claire Parnet, Dialogues). “In between” – this is where Perez’s paintings devoid of landscape are located.
Thus joy lies in form. Taking a detour via the artist’s studio, emptiness, gravity, and absence become tempting, with colours of insuperable intensity, allusions to poisonous eddies, and zigzags. At the same time, there is the temptation to produce harmony and the simultaneous preparation of colour and form. A path and a method produce an active way of doing things – sculpture makes uncertainty objective. Perez said that “You are less alone faced with a sculpture. There are materials, ideas are a little more present, the light falls and the laws of physics mean that things have to ‘hold together’… With a painting, you’re never really sure if anything ‘holds together’.
This is the effect of matter when put into action – the creator regains control and finds himself. Sculpture is painting which “holds together”. Between two bodies of water, two types of air, two banks, books and their unique resonances enfold the travellers cut adrift and clinging to their pins, washers, meaningless rubbish, bobbins, flotsam and grains of sand. Subject and object are in dialogue. Like the figures, the lost objects find a harmony which pervades their journeys.
Marc Perez: “I have travelled within the walls of my studio. After all, that too is part of painting: daring to lose oneself, to set sail without a guiding star, and sometimes to find oneself.”
EXPOSITION EN COURS
LES ARTISTES REPRÉSENTÉS PAR LA GALERIE FELLI