La peinture au long cours de Goxwa
Raclée, griffée, la peinture de Goxwa porte en elle les stigmates de sa propre corporalité. Ce n’est pas tant le sujet dans sa peinture qui interpelle que sa nature elle-même. Ses sujets obéissent après tout à un répertoire que l’on pourrait qualifier de restreint, pétri aussi bien de références aux grands maîtres anciens que Goxwa porte aux nues que de résurgences du propre parcours personnel de l’artiste née à Malte et aujourd’hui installée à Paris..
Classique de par le répertoire choisi, sa peinture l’est sans aucun doute : fleurs vivaces ou baignant dans l’eau de leur vase, fruits attendant rondement dans le compotier, danseuses dont l’arabesque des mouvements occupe toute la surface de la toile, princesses alanguies sur leur récamier ou bien façades de palais dont les linteaux, pilastres et métopes accrochent les derniers rayons de lumière crépusculaire… Sa peinture fait ainsi preuve de syncrétisme, mêlant allègrement les ports imaginaires du Lorrain aux vedute de Canaletto, rappelant aussi bien les masques du Fayoum que les aquarelles lascives de Rodin, ou bien, enfin, faisant surgir chez le spectateur des réminiscences du chiarocsurco du Caravage et des lumières orageuses que l’on trouve chez Giorgione. Faut-il voir dans cette convergence d’influences aussi diverses que bien senties, un apport dû aux origines maltaises de Goxwa ? Peut-être. Île au mitan de l’Afrique et de l’Europe, enjeu stratégique majeur depuis que la Méditerranée n’est qu’un lac, Malte est à la fois au confluent de toutes les civilisations qui l’ont convoitée tout en ayant réussi la gageure de conserver son intégrité culturelle et insulaire. C’est certainement à partir de cette mixité et de cette identité que s’est forgée la peinture de Goxwa, à la fois si riche en évocations et si unique.
Travaillé à la cire additionnée de pigments, le fond de ses toiles est patiemment monté à la manière d’un palimpseste toujours recommencé. Un des attraits indéniables de sa peinture réside dans cette matité organique si particulière, conférée par cette peau de cire. Ce n’est qu’une fois ce fond achevé, palpitant de veines colorées et sillonné par l’empreinte de ses couteaux, que Goxwa sait alors qu’elle sera le sujet auquel elle s’attaquera au pinceau. Il lui faut ainsi ce temps préparatoire, cet espace liminaire pour entrer de plain pied dans sa toile… La légende veut que les premières toiles, utilisées par les peintres vénitiens, étaient en fait des pans de voiles de navires croisant dans la lagune… Goxwa perpétue ainsi à sa façon cette histoire aussi belle que sans doute apocryphe. Dans l’intimité de son atelier parisien, elle conjure les vents nécessaires qui gonflent sa toile, lui insufflant en quelque sorte sa destination finale. Après tout, pareil au navigateur, le travail d’un peintre n’est-il pas de guider son tableau à bon port ?